Discussions animées hier à Nantes, à l'occasion d'une conférence publique sur le futur du livre, organisée par Impressions d'Europe. Etaient présents sur l'estrade, autour d'un journaliste animateur/modérateur, un libraire, deux éditeurs, et moi-même.
En introduction, une projection du film d'Alain Resnais, Toute la Mémoire du Monde, sur le fonctionnement de la Bibliothèque Nationale en 1956 nous a plongé dans cette période un peu nostalgique où le livre était roi, mais où les maladies terrifiantes, dues au plomb, devait encore exister, où le typographe était devenu un robot (environ 1350 signes à l’heure sans compter le rangement des lettres), et où l'industrie du livre accélérait cette industrialisation forcenée qui limite la création et conduit 50% des productions à aller directement à la poubelle.
Le spectre du ratage du faux e-book des années 2000, promu alors par des autoproclamés technologues, a ressurgi pour la nième fois chez certains anciens, heureusement pas tous, alors que les étudiants, venus nombreux, et quelques grands adultes, ont été fascinés (émerveillés) par l'encre électronique (accéder à plus d'information, réagir sur les contenus, écouter des voix ou des sons, etc.). Ils ont raison, c'est pour eux que le livre transportable a été inventé en 1501, faisant fi des oppositions de ceux qui, pour de bonnes ou mauvaises raisons, condamnaient l'imprimerie (mais n'avaient pas vu la nouvelle, à l'instar de nombreux détracteurs du papier électronique).
J'ai pris position contre le scan systématique de Google (pas assez réfléchi, sans ces clefs indispensables de la connaissance qui permettent de comprendre comment et quoi rechercher, sans identification et intégration des éléments effacés ou des traces révélées aux rayons X, ce que font les Japonais, ou encore sans ces balises utiles pour les nouveaux supports numériques). Ce n'est pas la priorité. Il y a tant à publier: l'essentiel du passé, bien sélectionné et adapté aux nouveaux supports, mais surtout, de nouveaux contenus qui n'attendent que cela et que le papier traditionnel et ses circuits d'édition et de distribution ne permettent pas d'éditer.
Il s'est beaucoup discuté de Google, cette fois-ci louée, et d'Amazon, décriée. Attendons seulement que Google ait une alerte sur ses résultats ou une nouvelle stratégie et ne décide de changer les règles, obligeant ses partenaires à publier sans rémunération (YouTube), mettre un peu plus de publicité, ou sinon gardant "malgré elle" clients et valeur ajoutée. Car, plus que son contenu, c'est bientôt l'historique du livre qui en fera sa valeur.
J'ai aussi donné mon opinion sur le passage à l'identique, voire moins bien, des contenus en livre électronique. Cela a peu d'intérêt, sauf pour le livre "besoin", ou dans les régions du monde qui craignent l'humidité, qui n'ont pas assez de papier pour leur nombre de lecteurs croissant, ou qui veulent reboiser, bien entendu.
Quant à savoir si le nouveau livre détrônera le livre papier classique, c'était le grand débat. Mais un faux débat. Comme si on discutait de savoir si le livre papier a détrôné la gravure dans le marbre, ou la peinture. Nous le savons, ce nouveau support permettra surtout de publier autre chose, autrement.
Le plus passionnant a été l'intervention de Stavros Petsopoulos, éditeur, avec qui j'avais discuté du sujet lors du déjeuner, et qui a rappelé que le grec ancien était une langue dont on se saura sans doute jamais quelle était sa mélodie. Le papier électronique est à considérer, ne serait-ce que sur ce plan, puisqu'il transporte aussi l'audio. Il a incité aussi à plus d'ouverture, face à ces nouveaux enjeux.
Le temps a manqué pour parler des auteurs, qui voient dans ce nouveau support un intérêt phénoménal, et qui pourraient bientôt être séduits par les éditeurs et libraires de nouvelle génération.
En attendant, l'encre électronique bi stable est vraiment magique, et les papiers qui l'intègrent sont de plus en plus incroyables. On devrait bien pouvoir en faire un nouvel espèce de livre, non?
Merci à Impressions d'Europe.
4 commentaires:
J'ai omis de mentionner les textes de Christian Thorel qu'il a commentés sur la librairie indépendante. Il faudrait les publier dans leur intégralité.
Nous rencontrons également beaucoup de libraires indépendants, ce sera éventuellement, car le sujet est complexe, et nous n'avons peut-être pas la légitimité pour le faire, l'objet d'un autre "poulet".
Vous dites: « Il s'est beaucoup discuté de Google, cette fois-ci louée, et d'Amazon, décriée ».
Pourquoi donc Google a-t-il été loué? et pourquoi Amazon décriée?
Clément Laberge
Voici la position des intervenants: Amazon était décriée pour son opacité (délai de livraison, pratiques financières, transparence des comptes...), et Google, autrefois à combattre, finalement, ne serait pas si terrible que cela, essayons donc de faire avec.
Je crois que les libraires et les éditeurs ont, comme les marques avec les grandes surfaces, une position délicate face à des Google et des Amazon, qui sont à la fois leur promoteur et distributeur incontournable et leur pire concurrent.
J'ai simplement voulu tempérer leur avis.
Je constate à chacun de ces débats qu'éditeurs et libraires pourraient être beaucoup mieux conseillés qu'ils ne le sont sur le sujet de l'Internet et des nouveaux supports.
J'imagine aussi que dans le cas des e-books, Amazon fait peut être un peu peur. Disposant de Mobipocket en main, et avec toujours un dispositif de lecture censé arriver, ils pourraient chercher à se poser comme leader de ce marché et imposer leur loi.
Concernant Google et leurs scans, j'avoue ne pas très bien en comprendre l'interêt non plus: ils ne donnent accès qu'aux images des scans et non au texte, et il n'y a pas de transformation vers une information de plus haut niveau. Par contre Google se pose comme un bon partenaire pour les éditeurs, en proposant de renvoyer vers un site ou un magasin proposant ces ouvrages.
Amazon a plutôt tendance avec son marketplace à faire disparaitre l'impression qu'il existe d'autres vendeurs qu'eux. Peut être un peu frustrant pout ses partenaires, mais rudement efficace pour les clients.
Concernant ces nouveaux supports, je pense qu'ils devraient présenter non pas forcément une offre différente en terme d'experience de lecture, mais surtout offrir un contenu plus diversifié, plus adapté à chacun. Il me suffit de regarder un peu à quel point le milieu de la musique a été boulversé culturellement par le passage au numérique, avec des artistes sortant de nul part devenant des réferences, des styles destinés à un public très limité se découvrant toute une nouvelle generation d'amateurs etc...
Certes le principe de média riche avec l'ajout de l'audio déjà et de la vidéo dans un hypothétique futur, devrait avoir des conséquences importantes, mais il ne faut pas s'attendre à cette transition pour tout de suite. Certains podcasts d'éducation utilisent déjà un double support audio/PDF, et on devrait tout de même coupler assez rapidement le son au texte mais que dans des domaines spécialisés.
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